FUKUSHIMA - 27 mars 2011 - Quoi de neuf N°3
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JAPON : Evidente aggravation de la situation.
FRANCE : Polémique entre l'IRSN et la CRIIRAD
DIMANCHE 27 MARS - 07H50
Une très forte radioactivité a été mesurée dimanche dans une nappe d'eau échappée du réacteur 2 de la centrale accidentée de Fukushima, forçant le personnel à reporter les opérations de pompage (AFP 07H26)
Le taux mesuré dans des échantillons de l'eau échapée du réacteur N°2, retrouvée au sous-sol de la salle de la turbine située derrière le réacteur est de 1.000 millisievert par heure* . "Ce chiffre est 10 millions de fois plus élevé que le niveau de radioactivité de l'eau qui se trouve généralement dans un réacteur en bon état", explique Tepco, l'opérateur du site. (AFP 07H13)
La radioactivité en France sous-estimée, selon la Criirad- La Criirad (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité) a estimé samedi que le niveau de radioactivité en France révélé par l'Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) était "très probablement sous-évalué". L'IRSN a annoncé samedi que les premières traces du panache provenant de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima ont été relevées en France mais que le niveau de radioactivité mesuré était sans danger pour l'environnement et la santé.
La CRIIRAD a précisé de son côté «l’air a été échantillonné à partir d’un filtre à aérosols, qui ne permet pas de piéger l’iode présent dans l’air sous forme gazeuse». Cependant, «cet iode gazeux pourrait constituer une part importante, probablement majoritaire, de l’iode radioactif présent dans les masses d’air contaminé » La Commission a ajouté « l’incidence de cette question sur l’appréciation des risques est très limitée en Europe, et au Japon, les conséquences d’une sous-évaluation de l’activité de l’iode pourraient être graves»
La CRIIRAD souhaite que les laboratoires documentent leur méthodologie de prélèvement pour que chacun puisse apprécier les résultats diffusés.
27 mars 2011 à 11h09 - Fukushima : "une nouvelle fuite radioactive" (Europe 1)
"Ce sont des valeurs considérables", a analysé dimanche matin Alain Cirou l'expert scientifique d'Europe 1. Le taux de radioactivité d'une nappe d'eau, échappée du réacteur 2 de la centrale, s’est en effet révélé 10 millions de fois plus élevé que le niveau de radioactivité de l'eau qui se trouve généralement dans un réacteur en bon état. "On peut dire qu'il s'agit d'une nouvelle fuite radioactive", a aussi estimé Alain Cirou ajoutant que cela interdisait toute intervention humaine. De fait, cette hausse de la radioactivité a conduit à l'évacuation des techniciens travaillant sur le réacteur 2.
Tepco
Tepco (Tokyo Electric Power, le gestionnaire des centrales) a par ailleurs annoncé que les relevés effectués samedi sur des échantillons d'eau de mer prélevés à 300 mètres au sud du réacteur 1 montraient une présence d'iode radioactif 1.850 plus élevée que la normale. (AFP 06H02).
Mille millisieverts, c'est-à-dire 1 Sv/h, c'est précisément le débit qui entre dans le domaine du connu en matière de radioactivité. On sait, pour l'avoir constaté sur les cobayes involontaires que furent les irradiés d'Hiroshima, qu'à 1 Sv/h correspond une probabilité de 5% de cancers en plus. Soit 50 personnes sur 1000.
A partir de 1Sv/h, on sait. En dessous de cette dose, on ne sait pas. Tout simplement parce que le déclenchement d'un cancer est reporté dans le temps et ne permet pas de relier irradiation et cancer induit, la relation de cause à effet ne peut être établie : comment distinguer vint ans plus tard un cancer due à l'irradiation d'un cancer naturel ?C'est la zone d'incertitude indiquée sur le schéma ci-dessus. On doit cependant garder à l'esprit que toute dose est nocive et que les doses sont cumulatives.
Criticité et Tokaï-Mura ?
D'autres mots risquent de faire rapidement partie de notre vocabulaire : "criticité" et "Tokaï-mura" (ou tokaimura), du nom de la centrale japonaise qui, l'a-t-on oublié (oui, oui!) ? a connu un accident en 1999. Comme le dit la très sérieuse Encyclopedia Universalis : "Un accident de criticité, c'est-à-dire le déclenchement incontrôlé d'une réaction de fission en chaîne au sein d'un milieu contenant des matières fissiles, s'est produit le 30 septembre 1999 au Japon, à Tōkai-Mura (310 000 habitants, 140 km au nord-est de Tōkyō), dans l'usine de fabrication de combustible nucléaire de la compagnie privée J.C.O. (Japan Nuclear Fuel Conversion Co.). C'est un des trois plus graves accidents du nucléaire civil dans le monde, après Tchernobyl (1986, Ukraine) et Three Mile Island (1979, États-Unis). Seule une chance incroyable a permis d'éviter que la réaction en chaîne ne se transforme en catastrophe.
Pour bien comprendre ce qui risque d'être l'un des prochains épisodes que nous réserve la centrale de Fukushima, la vidéo suivante permet de réviser ses connaissances :
Criticité d'un réacteur ?
Dans un réacteur ou une bombe atomique, le facteur de criticité appelé "k" représente, pour chaque fission, le nombre moyen de neutrons secondaires provoquant à leur tour une fission. La valeur de k détermine si la réaction en chaîne prend un tour explosif (k supérieur à 1) ou non (k inférieur à 1).
La criticité doit rester égale à 1 dans un réacteur. (chaque neutron expulsé d'un atome d'uranium qui se brise entraîne 1 seule fission d'un autre atome d'uranium et ainsi de suite. La réaction de ce fait ne s'emballe pas, k=1). C'est le principe même des centrales atomiques de contrôler la fission et d'en récupérer la chaleur dégagée pour faire bouillir l'eau des turbines qui fabriquent l'électricité.
Les excursions de criticité au-dessus de cette valeur ne sont tolérées que si elles sont brèves et ne dépassent pas les quelques pour mille. L'écart (k-1) à la valeur unité est appelé réactivité.
SCIENCE & AVENIR - Le NOUVEL OBS
Dominique LEGLU, Directrice de la rédaction de SCIENCE & AVENIR, fait remonter cette information essentielle : Dans la dépêche du 23 mars 2011 de l'Agenge Kyodo, rapportant les déclarations de TEPCO : l'opérateur parle de « fission nucléaire », autrement dit la reprise d’une réaction nucléaire dans le combustible. Nous évoquions hier, dit Dominique LEGLU,ces possibles « reprises de criticité », dans un corium (mélange de combustible et de métal fondus, après la fonte du cœur de réacteur devenu trop chaud, par perte du système refroidissement). L’opérateur semble ne pas l’envisager ici : « cet accident de criticité est encore à attendre à Fukushima». Il rappelle, en revanche, qu’un tel phénomène a bel et bien eu lieu, il y a douze ans au Japon et cela avait fait grand bruit : « dans une usine de retraitement de combustible, en 1999 à Tokaimura, préfecture d’Ibaraki, [où] de l’uranium n’a cessé de fissionner, relâchant un rayonnement massif de neutrons ».
http://sciencepourvousetmoi.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/03/24/fukushima-suite-17-fuites-d-uranium-et-de-plutonium-evoquees.html
Depuis 1945, une soixantaine d'accidents de criticité ont été répertoriés dans le monde, principalement aux Etats-Unis (33) et dans l'ex-URSS (19). Ils ont entraîné la mort de 19 personnes dont 15 entre 1953 et 1971. Deux tiers de ces accidents sont survenus dans des réacteurs de recherche, dont un sans conséquence en France, en 1960, sur le réacteur expérimental Alizé du CEA .
http://www.universalis.fr/encyclopedie/accident-nucleaire-de-tokai-mura/
"Ce schéma illustre les circonstances de l'accident de criticité de Tokaïmura. Les seaux que versent les deux techniciens japonais contiennent de l'uranium très enrichi en isotope fissile. En dépassant 7 fois la quantité permise par les normes de sécurité, ils provoquèrent un début de réaction en chaîne qui leur coûta la vie. Le grand récipient dans lequel ils versèrent le nitrate d'uranyle pour gagner du temps avait une forme inadaptée. S'il avait été par exemple très plat, l'accident aurait été évité."
Clés CEA.
Tokaï-Mura
1999 : Un accident de criticité au Japon
Cet accident étonnant est survenu en octobre 1999 au Japon. Il s'est produit non pas dans une centrale, mais dans une usine de haute technicité, spécialisée dans la préparation de combustible enrichi et située à Tokaï-Mura à 150 km au nord-est de Tokyo.
Les opérations consistaient à verser de la poudre d'uranium (enrichi à 18,5 % en uranium-235) préalablement dissoute dans de l'acide nitrique dans un récipient contenant également de l'acide nitrique. Ce récipient a normalement une géométrie adaptée à l'opération, empêchant ainsi le développement d'une réaction en chaîne.
http://www.laradioactivite.com/fr/site/pages/tokaimura.htm
Circonstances de l'accident de Tokaimura
Pour gagner du temps et finir le travail plus vite, les techniciens chargés de la préparation ont versé en une seule fois l'uranium très enrichi dans le récipient. Ils introduisirent 16,6 kg d'uranium enrichi, sept fois plus que les 2,4 kg garantissant l'absence de risque de criticité. Ce faisant, ils dépassèrent la masse critique, déclenchant un éclair de gamma et de neutrons.
De plus, l'équipement de géométrie adaptée avait été remplacé par une cuve de grandes dimensions, par ignorance ou manque de formation : l'accident aurait été évité avec un récipient ayant la forme d'une assiette plate. L'enquête a montré que les employés de l'usine ne respectaient pas les consignes de sécurité, qui n'étaient d'ailleurs pas affichées.
Le dépassement de la masse critique a déclenché un début d'explosion atomique. Le développement de l'explosion s'est heureusement rapidement arrêté. La contamination resta peu importante et limitée aux abords de l'usine. Les autorités procédèrent par précaution à une évacuation de 160 habitants de la ville dans un rayon de 350 mètres, tandis que 300 000 reçurent la consigne de rester confinés dans leur domicile jusqu'à la fin de l'accident.
L'accident à causé la mort des deux techniciens ayant effectué le mélange. L'un d'eux, Hishashi Obuchi, a été exposé à une dose qui est 17 000 fois le standard maximum admis au Japon pour une année et 4 à 5 fois la dose mortelle. Un troisième technicien, Yutaka Yokokawa, a été moins touché. Il se trouvait dans une pièce voisine et est sorti de l'hôpital. Au 21 décembre 1999, il recevait encore un traitement.
Les accidents de criticité, connus depuis l'origine du nucléaire, sont maintenant très rares. La plupart sont survenus dans les années 1950 et 60 et n'ont pas provoqué de rejets significatifs de radioactivité dans l'environnement.
Le gouvernement japonais a révoqué l'autorisation d'exploitation de la " Japan Nuclear Fuels Conversion Company ". L'accident de Tokaï-Mura a coïncidé avec un scandale impliquant la falsification des données concernant des pastilles de plutonium fournies par une société britannique (usine de retraitement de Sellafield). Ceci a brouillé l'image de l'industrie nucléaire sur laquelle le Japon comptait pour ramener ses émissions de CO2 et les effets de serre au niveau de 1990.
Sur cette simulation de l'accident de Tokaï-mura en 1999, on peut suivre le trajet emprunté par
le nuage contaminé :
Enquête et simulation réalisée par :
Laboratoire de Météorologie Dynamique du CNRS.
Institut Pierre Simon Laplace.
Frédéric Hourdin (LMD)
Simulations effectuées par Abderrahmane Idelkadi et Marine Bonazola (LMD)
Aide logistique déterminante de Laurent Fairhead (LMD), Cathy Boone (Pôle données IPSL) et Marie-Angèle Filiberti (Pole modélisation, IPSL)
DIFFERENCES ENTRE FUKUSHIMA, TCHERNOBYL ET THREE-MILE-ISLAND Dans un chat sur LeMonde.fr, Pierre Le Hir, journaliste au "Monde", estime que si "l'on n'arrive pas dans les toutes prochaines heures à refroidir les installations, il n'y aura plus guère d'espoir". "Pierre Le Hir : L'accident de Fukushima est d'une nature différente de celui de Tchernobyl. A Tchernobyl, il s'est produit ce que les techniciens appellent un "accident de criticité", c'est-à-dire que la réaction de fission s'est emballée et il y a eu une explosion dans le réacteur. Comme celui-ci n'avait pas d'enceinte de confinement, il y a eu un très violent dégagement de matières radioactives qui ont été propulsées jusqu'à plus de 3 000 mètres dans l'atmosphère. A Fukushima, ce que l'on craint – et qui est déjà en train de se dérouler –, c'est un accident de fusion, c'est-à-dire que le cœur des centrales ou bien les combustibles usés qui se trouvent dans des piscines chauffent parce qu'ils ne sont plus refroidis et finissent par fondre. Ismaël : Le fait qu'il y ait quatre réacteurs problématiques à Fukushima change-t-il la quantité de radioactivité hypothétiquement générée par rapport à Tchernobyl ? Oui. A Tchernobyl, l'accident a porté sur un seul réacteur ; à Fukushima, il y a potentiellement six réacteurs dangereux : trois qui étaient en activité au moment du séisme et qui ont été mis en arrêt d'urgence par la secousse, et trois qui étaient déjà à l'arrêt pour des opérations de maintenance. Donc potentiellement, la radioactivité totale qui pourrait être dégagée de la centrale de Fukushima est plus importante que celle de Tchernobyl. Mais en réalité, on ne connaît pas exactement ce qu'on appelle l'inventaire des matières nucléaires sur le site de Fukushima, et il est donc très difficile d'évaluer la contamination radioactive qui pourrait survenir dans le pire des scénarios. Selon l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire français, les rejets radioactifs totaux qui pourraient se disperser dans l'environnement à Fukushima pourraient représenter entre 10 % et 50 % des rejets émis à Tchernobyl. Bob : L' enceinte de confinement de Fukushima est elle prévue pour résister à la fusion du cœur du réacteur ? Aucune enceinte de confinement, du moins sur les anciens réacteurs, n'a été conçue pour résister à une fusion du cœur. C'est un risque dont on a pris conscience avec l'accident de Three Mile Island. Si le refroidissement des cœurs des réacteurs n'est plus assuré – et c'est ce qui est en train de se passer à Fukushima –, il est impossible d'éviter l'échauffement et la fonte totale des cœurs, c'est-à-dire des combustibles (sur le réacteur 1, le combustible aurait déjà fondu à 70 %). La question est ensuite de savoir si les cuves des réacteurs en acier peuvent résister à la chaleur et retenir le cœur fondu. A Three Mile Island, 45 % du cœur avait fondu, mais les circuits de refroidissement avaient été rétablis rapidement, et le cœur n'était pas sorti de la cuve. A Fukushima, on peut craindre, étant donné les énormes difficultés de refroidissement qu'éprouve l'exploitant, qu'il soit impossible d'éviter que le cœur fondu – on parle de corium – perce la cuve. Guest : Le cœur, s'il fond, peut-il s'enfoncer dans le sol ? Si oui, quelles seraient les conséquences ? Dans le pire scénario, si le cœur fondu perce la cuve, il existe encore une barrière de protection : c'est ce qu'on appelle le ravier, c'est-à-dire un socle en béton qui fait partie de l'enceinte de confinement et qui mesure plusieurs mètres d'épaisseur. Si le cœur fondu atteint cette couche de béton, sa chaleur peut diminuer, mais les modèles montrent que l'issue dépend de la composition du béton. In fine, si la couche de béton est elle aussi perforée, alors, toute la matière radioactive peut rejoindre le sous-sol et contaminer les milieux, les nappes phréatiques..." |
A suivre...
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