Cinq leçons sur le "sens de l'orientation" ou comment ne jamais se perdre...
Cinq leçons sur « le sens de l'orientation »
Cet article est destiné aux femmes qui pensent – à tort – être dépourvues du fameux « sens de l'orientation » cher à la gente masculine. Je crois qu'elles sont nombreuses et je crois tout autant qu'elles se trompent. Au terme de ces cinq leçons, vous étonnerez vos amies, amis et conjoints et aurez le sourire d'une femme qui vient d'écorner un vieux mythe !
Je ne pense pas que les femmes soient « naturellement » dénuées de ce qu'on appelle le sens de l'orientation. On a beau invoquer les hormones mâles, l'activité spécifique du cerveau masculin, notamment de l'hippocampe, voire le passé de chasseur du mâle depuis des temps immémoriaux, je persiste à penser que la culture et l'éducation construisent, programment, depuis l'enfance le petit mâle à mieux se repérer. Les femmes sont le plus souvent privées de cet apprentissage, ne le développe donc pas et parfois même en font un critère de féminité.
C'est aussi un nouvel épisode de l'éternel combat entre l'inné et l'acquis qui à ce propos resurgit : les conservateurs penchant pour l'inné et les réformateurs pour l'acquis. Comme toujours, inné et acquis interviennent sans qu'il soit possible de pondérer leurs influences respectives.
Si je pense avoir quelque chose à dire dans ce domaine c'est bien en raison de l'éducation qu'a choisi pour moi mon père : dès six ans, il a cru bon me transmettre tout ce qu'il savait à propos de la survie. Que ce soit en période de guerre ou en pleine nature. Comme tout les enfants j'ai pris pour modèle ce qui m'était enseigné. Dès lors, très précocement, une partie de mon univers a été centré sur les cartes, les boussoles, la course apparente du soleil et bien sûr les jeux de piste et les labyrinthes. Grand amateur de pleine nature, cela fait des décennies que je peaufine ces techniques.
Nous ne sommes pas des insectes avec un champ visuel qui couvre toutes les directions : quand nous marchons, notre champ visuel horizontal est de 94°, soit grosso modo un quart de l'espace qui nous entoure (360°). En tournant brièvement la tête à droite et à gauche, nous atteignons 180°, soir la moitié de ce qu'il y a à voir. Bref, tout ce qui est dans votre dos reste invisible.
Vous marchez une heure en pleine nature, puis vous décidez de revenir sur vos pas : vous êtes alors confrontée à un paysage que vous n'avez jamais vu, inconnu : celui qui était dans votre dos à l'aller. De quoi se perdre ! C'est pourquoi 'il convient de se retourner régulièrement à l'aller, pour mémoriser ce que vous verrez au retour. D'où le titre de cette leçon, deux yeux devant, deux yeux derrière.
Quand se retourner ? Toutes les cinq minutes me semblent être une bonne mesure. Quoi regarder ? La forme du paysage et surtout les éléments visuels qui vous semblent remarquables : un arbre tordu ou à moitié abattu, un rocher à la forme bizarre, un clocher, une montagne ; un « amer » diraient les marins. Dites-vous le en pensée : je repasserai à gauche de l'arbre mort, à droite du rocher en forme de tortue. Inutile de chercher à mémoriser : les phrases reviendront à la mémoire en revoyant les éléments remarqués. C'est la mémoire contextuelle. Comme toujours, plus on le fait, plus on s'améliore. Cela devient un automatisme.
Mais il y mieux que « quand » et « quoi », c'est « où ». Il vous faudra prendre l'habitude de vous retournez là où vous pensez que cela posera problème au retour. Un chemin rejoint le vôtre : au retour ce sera une bifurcation. Associez la bifurcation à une élément du décor. Il y a une motte de terre soulevée par une taupe. Dites-vous « au retour, à gauche de la taupe ». Et ainsi de suite. Votre chemin de retour se fera sans la moindre hésitation. Et n'oubliez pas que mémoriser, c'est associer. Le plus souvent des mots et des images.
LECON 2 – Le ciel est avec vous.
a) - J'ai pris l'habitude de sentir mon environnement sous forme de huit directions : devant, derrière, à gauche, à droite, avant-gauche, avant-droit, arrière gauche et arrière droit. Comme si on coupait un gâteau en huit parts. Inutile d'être plus précis. Quand vous marchez, vous savez forcément où se trouve le soleil. Il est dans une des huit directions proposées. Au retour, la bonne direction sera globalement l'inverse de la direction de l'aller. S'il était devant, il sera derrière. S'il était avant-gauche, il sera arrière-droit à la suite de votre demi-tour. Cela est valable pour une brève promenade. Disons une heure ou deux. Car il faut tenir compte de la course apparente du soleil d'est en ouest.
b) - Votre montre peut facilement vous aider à vous orienter. Pointez la petite aiguille vers le soleil. Visualisez l'angle formé par le "midi" de la montre (12H00), le centre de la montre et le soleil (angle en vert sur le schéma ci-dessous). Coupez l'angle en deux parties égales (bissectrice). Cette direction (ci-dessous en rouge) indique le Sud.
c) - Bien sûr il y peu de chance que votre promenade ressemble à une pure ligne droite. En revanche, ce n'est pas non plus un pur zigzag. Pendant un certain temps vous avez marché « soleil à gauche » puis, à peu près autant de temps « soleil arrière gauche » puis encore « soleil arrière ». Grosso modo un quart de cercle vers la droite, dans le sens des aiguilles d'une montre. Rien de plus facile dès lors de re-dérouler le parcours en sens inverse : soleil avant, soleil arrière droit, soleil à droite.
d) - Et s'il n'y a pas de soleil me direz-vous. Il est bien rare que le ciel soit à ce point sombre qu'aucune zone ne soit plus lumineuse qu'une autre. Par temps couvert, en début de promenade, repérez la direction de la zone la plus claire du ciel. Elle vous servira de guide au retour. Et la nuit ? Pas de soleil mais une précieuse amie, l'étoile polaire. Vous connaissez la Grande Ourse : une partie de l'Ourse à une forme une casserole.
De la constellation de la Grande Ourse, nous ne voyons souvent que les étoiles les plus brillantes, sous la forme d'une "casserole". Celle-ci vous permet de trouver le Nord, à la verticale de l'étoile polaire.
A l'opposée de la queue, il suffit de multiplier par cinq la hauteur du bord de la "casserole" et de remonter dans cette direction. Et l'on tombe sur la seule étoile fixe du ciel boréal (hémisphère nord), alpha polaris, l'étoile polaire. A la verticale de cette étoile, c'est la direction du Nord.
e) - Les cornes d'un croissant de Lune reliées par une ligne jusqu'à l'horizon indiquent globalement le sud. Disons entre Sud Sud Est et Sud Sud Ouest. Un peu long d'expliquer
Cliquer pour agrandir - Exemple le 9/11/2013 - Lors du passage (de gauche à droite) de la Lune au méridien (ligne verte, le méridien est la ligne imaginaire qui relie le pôle nord au pôle sud) la ligne reliant les "cornes" du croissant de Lune et l'horizon (segment orange) indiquent globalement le Sud (décalage à l'est). On voit à gauche et à droite, l'Est et l'Ouest. De nombreux sites affirment que les 'cornes' de la Lune indiquent précisément le Sud. Ce qui est faux.
On voit qu'à la date du 5 juin 2014 à 19H46 (passage au méridien) la ligne orange indique un "sud" décalé vers l'ouest, à l'inverse de l'image précédente.
pourquoi, variant selon les saisons, mais parfaitement exact.
Et de nuit par temps couvert ? Inutile de se déplacer, c'est trop dangereux. Attendez l'aube, calmement.
Avec ces deux premières leçons, vous êtes déjà très forte en orientation ! Plus que la moyenne des hommes qui pourtant revendiquent pour eux seuls le sens de l'orientation. Mais vous pouvez affiner encore ce nouveau pouvoir.
LECON 3 – Soyez Petit Poucet
Il s'agit bien sûr de laisser des traces de votre passage, comme le Petit Poucet, héros d'un des Contes de la Mère l'Oye , de Charles Pérault (1697). Des traces ? Ici, pas de petits cailloux blancs, mais d'abord celles de vos souliers. Faites un essai en plantant vigoureusement votre chaussure dans un sol meuble : vous saurez dès lors à quoi ressemble la marque vous laissez.
Marquez systématiquement le sol ou seulement quand vous traversez une zone qui vous semble complexe. Marquer son passage n'est pas réservé aux seules semelles : casser l'extrémité de branches, arracher de la mousse (côté « retour »), retourner des pierres, les superposer (cairn des chemins de montagne), renverser les herbes en une « coulée » en soulevant à peine les pieds. Ce que les chasseurs appellent une coulée est le passage d'un animal dans les herbes. Autant de signes de votre passage. Il est beaucoup plus difficile de ne pas laisser de traces de son passage que l'inverse !
Avec la visualisation du retour, vos amis lune et soleil et le marquage, vous êtes déjà imbattable ! Peut-on encore améliorer le sens de l'orientation ? Bien sûr ! Bien que les trois premières leçons suffisent dans la plupart des cas, vous pouvez les compléter par des représentations mentales plus fines.
Quand, par exemple, vous cherchez des champignons, votre parcours devient erratique. Deux pas à gauche, trois pas à droite, un retour en arrière...Si vous ne pensez pas au repérage et s'il fait assez gris pour que le soleil ne vous renseigne pas, il y a de fortes chances pour que vous perdiez votre orientation. Le truc à utiliser est simple : quand vous choisissez de zigzaguer, faites-le à partir d'un endroit remarquable : arbre remarquable par sa forme ou son feuillage, une souche. C'est votre point d'entrée dans la zone où vous allez zigzaguer. Jetez un coup d'oeil vers cet amer de temps à autre et surtout ne le perdez pas de vue. Si vous êtes dans une clairière, vous saurez toujours par où vous y êtes entrée. Si vous êtes en sous-bois votre regard sera limité à 15 ou 20 mètres. Ce qui est intéressant, c'est qu'en regardant votre point de départ local, vous avez éliminé tous les zigzags.
LECON 5 – Avalez un "backtrack"
Un backtrack est une sorte de boussole électronique qui n'est pas attirée par le nord mais par le point de départ enregistré. Il en indique également la distance. Ici, votre point de départ est à 48 mètres dans la direction de la flèche...
Ce qui vous intéresse vraiment n'est pas de savoir à tout moment où se trouve le nord, ce que vous indique la boussole, mais plutôt dans quelle direction est votre point de départ : ce que n'indique pas votre boussole. Le plus souvent pour retrouver la voiture, point de départ de votre escapade. Les "backtrack" (chemin de retour) fournissent la direction et la distance du point de départ que vous avez enregistré. Evidemment, rien ne vous empêche de regarder discrètement celui qui est dans votre poche et de jouer ensuite les Christophe Collomb. Pourquoi pas ! Je vous propose plus naturel : intégrer en vous le backtrack.
En fait, l'idéal serait d'avoir un troisième bras qui, en permanence, indique vers votre point de départ quelque soit vos déplacements. C'est possible ! Il vous faut imaginer un point imaginaire « flottant » sur votre nuque. Comme un index sortant de votre tête. En vous éloignant de votre point de départ, il est au milieu de la nuque. Si vous tournez brutalement à droite, le point se déplace sur votre oreille droite. Un quart de tour à gauche et il se déplace à nouveau.
Exercez-vous à toujours vous imaginer dans un rectangle dont la diagonale relie votre point de départ et là où vous êtes. Cette diagonale indique la direction du retour.
Savoir faire cela est uniquement une question de pratique. Et même entachée d'inexactitudes, cette technique ne vous trahira jamais : à quelques degrés près vous pourrez reprendre le chemin du retour dans la bonne direction.
J'espère avoir contribué à développer en vous un vrai sens de l'orientation. Faites-moi part de vos remarques et surtout de vos résultats sur le terrain !
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