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Natures Paul Keirn NATURES, SCIENCE & TRADITIONS, CONSOMMATION & SANTÉ

Aux origines de la vie - 1 : le transfert "horizontal" de gènes.

12 Février 2014 , Rédigé par Paul Keirn Publié dans #VIVE DARWIN !

Les-origines-de-la-vie-in-natures-paul-keirn.jpg

Fascinante cette Elysia chlorotica ou Elysie émeraude ! Une "limace de mer" de 2 à 3 cm, 6 cm tout au plus. Verte ! On dirait une feuille. Et en fait c'est une feuille ! Une feuille, une vraie feuille ! Au sens où cette limace pratique la photosynthèse et se nourrit des sucres que ses chloroplastes synthétisent pour elle. Jamais (ou rarement, je ne sais pas) a-t-on vu un être appartenant au règne "animal" utiliser le mode de captation de l'énergie du règne "végétal". Le règne animal se contente généralement de parasiter le règne végétal en s'en nourrissant. 

Elysia, lors de sa croissance, absorbe les chloroplastes d'une algue très spécifique, Vaucheria litorea, que l'on trouve notamment le long des côtes américaines.

Elysia-chlorotica-et-Vaucheria-litorea.jpg

Elysia chlorotica en train de manger son algue favorite, Vaucheria litorea

Elle conserve les chloroplastes absorbés dans son système digestif. Celui-ci ainsi que tout son corps a pris la forme d'une feuille. Et d'ailleurs Elysia s'étale à la lumière faible ou se recroqueville sous un trop fort éclairage. Etonnant. Mais il y a encore bien plus étonnant. Certains chercheurs, connaissant bien la photosynthèse se sont demandés comment un animal pouvait entretenir des chloroplastes. Car s'ils fournissent de l'énergie en transformant l'énergie solaire, ils sont eux aussi gourmands en protéines spécifiques. Ils doivent être nourris. Qu'elle absorbe des choloplastes, oui, mais qu'elle les nourisse !

Elysia-chlorotica-un-animal-qui-pratique-la-photosynthese.jpg

Comment expliquer cette observation ?

Il a fallu toutes les capacités de l'analyse génétique pour répondre à cette question en juin 2008* : Elysia possède un gène (appelé PsBo) qu'elle a intégré à son patrimoine génétique après l'avoir "volé" à l'algue Vaucheria litorea.

*Edited by Lynn Margulis, University of Massachusetts, Amherst, MA, and approved September 17, 2008 (received for review June 9, 2008) :Horizontal gene transfer of the algal nuclear gene psbO to the photosynthetic sea slug Elysia chlorotica - Mary E. Rumphoa,1, Jared M. Worfula, Jungho Leeb, Krishna Kannana, Mary S. Tylerc, Debashish Bhattacharyad, Ahmed Moustafad, and James R. Manharte  - http://www.pnas.org/content/105/46/17867

Et ce gène est capable d'assembler une des protéines dont les chloroplastes ont besoin pour se maintenir en activité. C'est ce transfert de gène(s) d'une espèce à une autre que l'on appelle "transfert horizontal de gène".  Contrairement au "transfert vertical de gène" où un individu reçoit une partie de patrimoine génétique d'un de ses ancêtres ou parents, le mode le plus connu de transfert génétique. 

Aux-originies-de-la-vie-in-Nautres-paul-keirn.jpg

Ainsi, les chloroplastes ne sont pas transmis d'une génération d'Elysia à la suivante, mais le gène codant les protéines d'entretien des chloroplastes, oui. C'est la raison pour laquelles les jeunes Elysia commencent leur vie en absorbant les chloroplastes des algues Vaucheria. Le gène PsBo est identique chez l'algue et chez la limace de mer.

Si le transfert horizontal de gène entre un végétal et un animal est exceptionnel, il n'est pas rare entre bactéries. C'est même, en grande partie, la raison de la résistance croissante des bactéries face aux antibiotiques. En quelque sorte les bactéries sont capables de se partager les "meilleurs morceaux" (gènes) de leurs patrimoines génétiques.

-Elysie-emeraude.jpg

Le rapport avec les origines de la vie s'impose dès lors. On a en effet souvent reproché au darwinisme (mutation suivie de sélection naturelle comprenant survie et séléction sexuelle) de ne pas rendre compte vraiment de la rapidité (toute relative) de l'Evolution. Il est en effet possible que le transfert génétique vertical aidé par des mutations, ne puisse rendre compte à lui seul de la rapidité de l'évolution des espèces. Il en va tout autrement dès lors qu'on y intègre le transfert génétique horizontal. Et l'on voit dans cet exemple que ce potentiel va jusqu'à des transferts entre des espèces aussi radicalement différentes qu'animales et végétales.

Nous reparlerons de cette fascinante limite entre le chimique et le vivant (le vivant n'étant qu'un sous-ensemble du chimique et l'intelligence un sous-ensemble du vivant), notamment par ces molécules chimiques capables de s'auto-répliquer (les ARN autorépliquants). Cette reflexion, que je ne demande qu'à partager avec vous (laissez un commentaire !), s'invite à un moment particulier : la découverte qui dévoile que 22% des systèmes solaires de notre Galaxie comportent une planète tellurique (en roches) à assez bonne distance du soleil local pour que l'eau soit majoritairement liquide. Deux conditions réunies et essentielles pour l'existence d'une vie évoluée. 22%, soit 9 milliards de planètes...(voir le Science & Vie, daté Janvier 2014). De quoi revoir complètement l'équation de Drake (voir wikipédia) qui tente de mesurer le probabilité d'existence de vies intelligentes extra-terrestres. A suivre, donc !

Paul Keirn.



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