Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Natures Paul Keirn NATURES, SCIENCE & TRADITIONS, CONSOMMATION & SANTÉ

Cueillette et culture des morilles - Les bonnes bases de la cueillette 2021

1 Mars 2021 , Rédigé par Paul KEIRN

Cueillette et culture des morilles - Les bonnes bases de la cueillette 2021

Cueillette et culture des morilles !

Si vous voyez un promeneur dans la colline qui se retourne tous les dix mètres, pas de doute, c’est un chercheur de morilles ! C’est que les coins où pousse ce champignon de printemps sont secrets. Ultra-secrets ! Quoi d’étonnant à cela : les morilles sont rares et donc chères (100 €/Kg), mais surtout elles sont délicieuses. Elles ornent les assiettes de nos chefs étoilés comme celles du repas dominical avec le sublime poulet aux morilles. Et puis, si l’on revient bredouille, on a au moins fait une belle balade et pris un bon bol d’air.

La France détient le record mondial de consommation de morilles ! La Chine est le premier producteur de morilles de culture mais pas pour les consommer : pour les exporter vers la France et quelques pays voisins. La morille est un univers de passion que la saison nous invite à explorer. Les morilles, c’est maintenant : selon les régions, de février à fin avril. Et dans le Var, il y en a ! Moins qu’avant, sécheresse et pollution sont passés par là. Et puis, il n’y a pas que les cueilleurs. Depuis une dizaine d’années sont arrivés les cultivateurs de morilles !

La culture des morilles

Aujourd’hui, sous des tunnels de culture bâchés, loin des regards, plus de 200 familles, en France, tentent de cultiver les morilles selon le procédé mis au point en Chine par le professeur Zhu Douxi après vingt ans d’observation. Du moins est-ce le récit qui accompagne cette incontestable réussite chinoise qu’est la culture de la morille. Cela faisait plus de 150 ans que, partout en France, on tentait de la mettre au point. Mais le combat continue et tous les « morilleurs » continuent de chercher, de travailler, pour obtenir une production rentable pouvant atteindre en Chine 8 à 10 tonnes à l’hectare. L’Eldorado ! Ou à tout le moins les 125 g/m² nécessaires pour amortir les coûts de production. A raison de 100 € le kilo de morilles fraîches, cela fait naître des vocations ! Et des passions dignes des chercheurs d’or !

Ethnographie sur internet

Je lis sur vos lèvres « où peut-on trouver des morilles ? ». Très bonne question ! J’ai pris le temps de jouer les ethnographes, en collectant tout ce qui se dit sur internet sur les lieux de récolte, que cela soit vrai ou faux. Juste compiler ce qui se dit, rien de plus. Et là, en faisant la synthèse de toutes ces informations on se rend compte qu’il y a une multitude de variables qui entrent en ligne de compte et qui font de l’apparition de la morille un vrai casse-tête : altitude, humidité, présence d’autres plantes ou arbres, vents, nature chimique et granulométrie du sol et surtout température. Tout cela évoluant sur les deux mois où le mycélium va décider de faire naître (ou non) son précieux « fruit ». Et la morille est incroyablement capricieuse !

Le règne Fungi.

Avant tout, il faut savoir ce qu’est un champignon : ni une plante, ni un animal, « quelque chose » entre les deux, mais plutôt que côté animal : absence de chlorophylle, de chloroplaste et d’amidon, typiques du règne végétal et présence de chitine (carapace des insecte), mélanine (pigment animal) . Les trois grands règnes du vivant sont les plantes, les animaux et...les champignons. Règne à part entière appelé « Fungi » par les scientifiques. Rien que ça !

Il faut comprendre aussi, que le champignon c’est avant tout un immense réseau souterrain de fins filaments : le mycélium et puis, quand les conditions s’y prêtent ou y obligent, se forme la partie visible, le sporophore. La partie que l’on mange. Une sorte de « périscope » pour le mycélium, un appareil reproducteur qui sort de terre, juste destiné à essaimer, en laissant au vent le soin d’emporter des millions, des milliards de spores pour créer, loin de là, un autre mycélium. C’est comme les chenilles et les papillons : la chenille (mycélium) vit les 99 % du temps sous-terre, puis la chrysalide se forme et le papillon apparaît (champignon), vivant seulement quelques jours !

 

Où et quand chercher des morilles ?

Quand ?

Quand les Anémones des bois (Anemone nemorosa) ou Anémone Sylvie fleurissent c’est le bon moment (mais pas forcément le bon endroit !). C’est une des premières fleurs du printemps naissant. Cela varie selon les régions mais avec toujours avec l’apparition des morilles. C’est un bon indicateur.

Où ? Les habitats « constants » et « occasionnels »

L’expérience montre qu’il y a deux types d’habitats pour les morilles : les habitats « constants », liée au fait que le mycélium vit en symbiose avec arbres, arbustes et plantes. Et les habitats « occasionnels » : terre fraîchement retournée, remblais et zones brûlées. A cela, il faut ajouter les souches de morilles non symbiotiques, qui n’ont pas besoin d’une plante ou d’un arbre avec qui échanger sucre et eau et qui poussent là où les variables (température, humidité, brise, exposition) sont propices. Ce sont ces morilles « solitaires ». Celles qui font l’objet de la culture sous tunnel bâché.

Comme les végétaux, les champignons vivent selon trois modes : en « saprophyte » quand ils se nourrissent de déchets végétaux en décomposition ; en « parasite » lorsqu’ils sucent le sucre contenu dans d’autres plantes sans échange ou, le plus souvent, en « symbiose ». C’est-à-dire en faisant des échanges avec d’autres plantes : le mycélium fournit de l’eau aux racines des arbres et l’arbre fournit du sucre (glucose) au mycélium. La plupart des morilles sont symbiotiques. Les « mycorhizes » sont les jonctions entre le mycélium et les racines des autres plantes : une partie du mycélium se glisse sous la « peau » des racines. Le cueilleur connaît des « stations » symbiotiques de poussent des morilles tous les ans au même endroit…et se retourne pour ne pas être suivi !

Les chercheurs de champignons ont remarqué qu’ils trouvaient des morilles près des plantes suivantes, contenant ou produisant des « sucres » :

Le Lierre terrestre (Glechoma hederacea), plante mellifère contenant 3% de sucre,

La Ficaire fausse-renoncule (Ranunculus ficaria)

La Dryade à huit pétales (Dryas octopetala), une des premières plantes à fleur à recoloniser les éboulis et substrats libérés, L'Épervière des murs  (Hieracium mororum), l’érable (les érables sont mellifères...sirop d’érable), le frêne, le noisetier, le Robinier faux acacia (l'arbre du docteur Robin, aux fleurs très mellifères), le peuplier (signe d’eau), le bouleau, l’Orme champêtre et le sapin pectiné (miellat sur les parties aériennes).
Dans le Var, la recherche est souvent fructueuse sous les arbousiers où tombent les fruits ; près des figuiers sauvages (signe de présence d’eau et de sucre).

 

Comment bien chercher ? : le nez en l’air, une boussole à la main !

Cela a l’air d’une plaisanterie, mais n’en n’est pas une : je vous invite à faire le test.

C’est là un des secrets de la recherche des champignons, c’est en regardant en l’air qu’on commence sa recherche. Une petite clairière exposée au soleil toute la matinée ou après 15 heures est une très bonne zone. Une simple trouée née d’un arbre mort qui s’est abattu : le soleil chauffe le sol et le mycélium choisi cet endroit pour faire apparaître ses sporofores. Un sous-bois en bord de chemin, l’orée d’un bois exposé à l’est ou à l’ouest sont parfaits pour ce savant dosage de chaleur, de lumière, de brise et d’humidité.

Dans le Var, privilégiez les zones qui ne sont pas exposées au soleil entre 10H et 15 heures. Et donc les zones exposées à l’est ou à l’ouest. D’où la boussole ! Ou avec un peu d’habitude si l’on connaît la trajectoire apparente du soleil.

De préférences des zones humides ou mieux encore, les endroits en pente où le champignon peut choisir le degré d’humidité de la terre. Un fossé, un remblais, est plus sec à son sommet qu’à sa base. Les zones où un élément rend le sol plus alcalin comme les ruines d’un cabanon ou d’une restanque. En Normandie, les premières tentatives de culture se faisaient avec les restes du pressoir à pommes (sucre) avec, en complément, épandage de nitrates, plutôt basiques.

Les stations temporaires

Les zones où la terre a été retournée sont propice aux trouvailles : tout simplement parce que la densité est moindre, la terre aérée. De plus, buttes, bordures de fossés et remblais proposent toutes les gradations d’humidité, du plus sec au plus humide.

Les brûlis.

Les zones récemment brûlées fournissent d’extraordinaire récoltes mais qui décroissent d’année en année, pour disparaître définitivement. On a beaucoup écrit à ce sujet, notamment au Québec, suite à de gigantesques incendies. Il apparaît de plus en plus clairement que les morilles apparaissent en masse parce que le mycélium a chauffé, a senti le danger de l’incendie, mais surtout parce qu’il a perdu toutes ses sources de sucre. Il tente alors d’essaimer au maximum de crainte de disparaître. Il produit des centaines de producteurs de spores (sporofores) que nous ramassons et dégustons avec plaisir.

"Morilles de feu", ainsi nommées au Québec :

Les zones d’essartage

Pour lutter contre les incendies, notamment dans le Var, on débroussaille, on fait une coupe « claire » de tous les arbres sur 25 ou 50 mètres le long des routes. Cet essartage tue les arbres et arbustes en symbiose avec le mycélium sous-jacent. C’est pour lui le signal du grand déménagement ! Et le printemps suivant, ce sont par dizaines que les morilles se ramassent, comme ce fut le cas le long de la route près de la Glacière de Mazaugues il y a quelques années, où j’ai pu ramasser 54 morilles en une heure (voir cette cueillette) !

Un dernier point, celui de la sécurité : les morilles doivent être cuites au moins 15 minutes. Crues, elles sont toxiques.

TOUS les autres articles sur les morilles

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article